Bayonne, port franc en 1784

Extrait du livre de Jean Baptiste Bailac, Nouvelle chronique de la ville de bayonne, par un Bayonnais, imprimé chez Duhart-Fauvet, Bayonne,1827,

p262.

Bayonne vécut six années de grande prospérité à partir deseptembre 1784 en devenant port franc. La Révolution annula définitivement ce privilège

royal.

"Le plan de la chambre de commerce de Bayonne fut agréé, et reçut même une extension favorable, parce qu'on voulut que Bayonne fît

partie du nombre des ports francs dont l'établissement avait été promis aux Américains par le traité de commerce du 6 février 1778 … Ces lettres

patentes commencèrent à recevoir leur exécution le premier septembre 1784. Le 25 novembre 1790, Mr Lasnier, au nom du comité d'agriculture et

du commerce, proposa vainement leur suppression à l'assemblée constituante.

Son rapport fut combattu par Mr Mirabeau et par Mr l'abbé Maury. "Pourquoi [dit ce dernier] avez-vous trois ports francs en France ? Parce

qu'ils sont voisins de ports étrangers. Dunkerque est près d'Ostende, Bayonne près de Bilbao et de Saint- Sébastien, Marseille près de Livourne.

Otez ces franchises, vous enverrez dans les ports rivaux tous les vaisseaux étrangers. On a voulu suspendre la franchise de Marseille , trente

manufactures ont été transportées à Livourne, et y sont encore. Les ports de Boulogne, du Havre, qui paraissent plaider leur cause, plaidentcelle

des étrangers.

Lorsque Dunkerque a changé successivement de domination,les Espagnols, les Français, les Anglais, maintinrent sa franchise: vous ne

prétendez pas être plus instruits que toute l'Europe". Le 11 nivôse an III, temps où le discrédit des assignats, la terreur, et un état de guerre presque

général, laissaient sans intérêt toute discussion sur le commerce, la Convention enveloppa la franchise dans la haine qu'elle portait aux institutions

d'origine royale, et en prononça l'abolition. Elle n'a point été rétablie depuis, et il est à craindre que le gouvernement ne puisse le faire sans

éprouver beaucoup de contradictions aveugles ou intéressées.

Pendant six ans d'une existence tranquille, ce régime produisit un changement extraordinaire dans la situation de Bayonne. D'un million et

demi, le commerce de l'étranger à l'étranger s'éleva à plus de dix millions, sans compter le transit de :

- La navigation française, de 309 bâtimens du port de 14.984 tx à l'entrée, et de 299 du port de 15.90 tx à la sortie, monta, année commune,

depuis 1785, à 396 vaisseaux du port de 19.344, tx à l'entrée, et à 404 portant 21.699 tx à la sortie;

- La navigation étrangère, de 153 vaisseaux portant 9.420 tx à l'entrée, et de 135 portant 11.062 tx à la sortie, à 228 vaisseaux portant 15.084 tx

à l'entrée, et à 251 portant 19.024 t à la sortie; ce qui équivalait à une augmentation d'environ un tiers dans la navigation française, et de plus d'une

moitié dans la navigation étrangère.

La pêche de la morue, qui occupait 23 vaisseaux portant 2.289 tx, en employa, depuis 1785 , 44 du port de 4.572 tx ; le commerce avec les

colonies, 9 du port de 1.627 tx, au lieu de 8 du port de 1.284 tx. Le nombre des gabarres pour le service du port fut porté de 12 à 24. Avant la

franchise, année commune, six mille six cents ballots sortaient par les routes et passages d'Ainhoua, Vera, Lessaca et Irun ; en 1789 on en envoya

vingt-cinq mille, qui exigèrent un surcroît de neuf mille mulets de transport. Les valeurs en piastres importées annuellement, s'élevèrent de deux

millions de francs à trente millions. Dans l'espace de six ans, la population, le prix des immeubles et celui des salaires d'ouvriers, haussèrent de près

d'un tiers. Jamais on ne vit un débit aussi considérable de marchandises nationales, avec moins de delits de fraude , ni un rayon aussi étendu

d'industrie et de prospérité locales.

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